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Peintre et photographe : dans l'intimité des frères Caillebotte
Visions de peintres, regards de photographes, suite
Martial est féru de vues en plongée sur les boulevards alors que Rivière ose plutôt des contre-plongées sur la tour Eiffel. De ces exemples. on peut tirer une leçon plus simple : peintres et photographes appartiennent à une même époque et s’intéressent à des sujets contemporains. L'histoire de l'art le montre, les artistes fonctionnent toujours sur le mode de l'appropriation. Une œuvre en nourrit une autre. Ce jeu des influences est assumé, revendiqué même. Mais parce que la photographie suscite la méfiance en raison de sa relation ambiguë à la réalité, ces parentés de vision ont été à peine esquissées, beaucoup moins explorées. 
Le premier à avoir envisagé et souligné, dans une exposition, d'autres liens entre la photographie et la peinture est l'historien américain Peter Galassi. L’exposition «Before Photography: Painting and the Invention of Photography» est présentée d'abord au musée d’Art Moderne de New York en 1981. 
P 33 
Finalement, Gustave le peintre, dans sa maîtrise des premiers plans vides et son goût pour les vues en plongée, comme dans son choix de placer ses personnages à moitié hors champ ou de dos, est beaucoup plus photographique que Martial. Ce dernier installe quelques plans vides, surtout dans ses scènes de rue, mais dont les sujets restent le plus souvent centrés dans l'image. 
En même temps, le portrait que Martial laisse de son frère Gustave battant le pavé parisien en compagnie de sa chienne Bergère (voir CAT. 2913) est un très bel hommage photographique à sa peinture. 
Le modèle que Gustave a peint la même année pour son tableau Dans un café. Le second, vêtu de noir et portant un chapeau haut de forme, est quant à lui accoudé sur le garde-corps. Il ne paraît pas y avoir d'interactions entre les deux hommes. Silencieux et curieux, ils observent le va-et-vient des passants et des calèches sur le boulevard que l'on devine à peine tant la frondaison des arbres nous bouche la vue. 
Ici, deux éléments sont généralement combines : un arrière-plan architectural (remparts, tour, église) – qui, tout en étant remarquable, n'est pas l'unique sujet de la composition - et l'espace urbain (maisons pittoresques, commerces, enseignes) dont l'animation contemporaine (passants proches déambulant ou posant au premier plan donne vie et dynamisme à l'ensemble. Ce caractère vivant est d'ailleurs très prisé des amateurs qui apprécient non seulement le mouvement de la vie moderne mais également les événements rares ou inhabituels. Martial Caillebotte en a lui-même immortalisé un certain nombre tant en province (noce, procession, bateaux militaires dans la rade de Toulon) que dans les rues de la capitale (défilés du Boeuf-Gras, accident de fiacre, attroupement).